Née en juin 1936 de mère tournaisienne et de père gantois, j’ai grandi à Gand (Belgique) comme bilingue, sur un arrière-fond de deux communautés et de deux cultures. Je suivrai les humanités gréco-latine, puis, poussée par le goût du mouvement, l’Institut supérieur d’éducation physique et de kinésithérapie néerlandophone (le Parnas) à Bruxelles. J’obtiens une licence en éducation physique (KUL) ainsi qu’ un diplôme de kinésithérapeute en 1958 et serai invitée à enseigner dans ce même institut pendant 13 ans. Parallèlement au parcours familial et scolaire le Guidisme me marquera profondément pendant 24 ans et éveillera en moi la joie de vivre ainsi que le sens du service et de l ’engagement.
Qu’est-ce qu’ éduquer la personne dans sa réalité corporelle ?
Pouvoir donner cours à de futurs ‘prof. de gym’ et kinésistes est une aubaine. Mais très vite l’éducation physique de ce temps- là me pose questions: «Qu’est-ce qu’ éduquer la personne dans sa réalité corporelle?»
Un cours d’été à l’université de Cologne en 1959 me fait découvrir le mouvement naturel. Je suis séduite. S’en suit une recherche inlassable d’approches orientées vers le mouvement libre, la prise de conscience corporelle, et le respect de l’unicité de la personne. Avec plusieurs collègues nous nous rendrons régulièrement en Allemagne, à la Medauschule à Coburg, qui devient lieu d’inspiration. Cette école de gymnastique moderne d’avant-garde, appelée par certains « Schule des Lebens » propose dans ces années 60 un programme de mouvements d’une diversité et richesse insoupçonnée. Aussi bien la détente, la respiration, le plaisir du mouvement, la souplesse, le travail organique et de prise de conscience, le sens du bien-être, la rythmique, la création individuelle ou de groupe et même les réalisations artistiques s’y conjuguent. Plusieurs sources sont à la base de ce large éventail de programme que le couple Medau eu soin de mettre en place. L’influence du Dokter Volkmar Glaser (qui écrira plus tard son livre « Eutonie »*, la Organ Gymnastik de Frau Holler von der Trenk et la pédagogie de Dore Jacobs, auteur du livre « Die Menschliche Bewegung»**, y ont contribué.
Une rencontre décisive.
Rien d’étonnant que mon premier contact avec Gerda Alexander et l’eutonie sera décisif. Cette rencontre a lieu à Pâques 1969. Gerda est invitée à Louvain, au Sportkot, actuellement FaBeR (Faculté pour le mouvement et la revalidatidon) pour y présenter sa méthode. En décembre de la même année le “groupe international d’eutonie” est institué afin d’y recevoir une formation approfondie en eutonie de Gerda elle-même. +/- 35 intéressés de plusieurs nationalités en font partie, dont Jenny Windels, ma cousine, qui est institutrice et psychomotricienne, 8 autres belges et moi-même. J’ai 33 ans. Deux ans plus tard, un choix décisif s’impose. Bien qu’aimant à fond mon métier et mes élèves, je décide de lâcher le Parnas, qui était pour moi ‘une place au soleil’. Je pars compléter la formation en eutonie à Copenhague avec 4 autres belges. J’ai la chance d’ obtenir une bourse d’étude danoise, deux ans consécutivement. En automne 1972 Gerda est invitée à présenter sa méthode dans plusieurs pays dont la Hollande, la Belgique, la France, la Suisse et l’Allemagne. Nous accompagnons Gerda dans cette tournée pour y présenter nos études de mouvement. Je suis diplômée comme eutoniste professionnelle G. A. en mai 1973. J’aurai 37 ans. Cette même année mon premier cours d’été donnera le coup d’envoi au développement de l’eutonie en Flandre. Cependant, comme je suis demandée à la Musik -Akademie de Basel en Suisse pour y remplacer une eutoniste, je pars habiter en Forêt-Noire sur invitation de Fr. Hannelore Scharing. Nous nous étions côtoyés régulièrement au sein du groupe international. Son approche de l’eutonie comme ‘Atemtherapeute’ étant fortement différente de celle de Gerda, elle devient pour moi une nouvelle source d’inspiration et un nouveau pilier dans ma quête d’approfondissement de l’eutonie. Sa méthode s’appelle actuellement « Rhythmus – Atem – Bewegung »
L’eutonie se développe en Flandre
D’année en année, mes cours d’eutonie se succèdent au Pays Bas, en Allemagne et en Flandre et il me faut lâcher le travail d’eutonie avec les musiciens. J’ai le bonheur de rencontrer mon mari en 1975. Tandis que Jenny développe son travail avec les enfants qu’elle décrira dans son livre « Les enfants et l’eutonie »***, l’eutonie pour adultes se déploie de plus en plus grâce également au soutient mon mari. En mai 1979, un centre socio- culturel flamand, subsidié, me propose un full-time comme eutoniste. J’assurerai ce statut durant 24 ans. Dès lors le retour en Flandre s’impose d’autant plus que nous aurons le bonheur d’y vivre la naissance de notre fils en mars 1980. J’aurai 44 ans.
En route vers une école…
A la demande de 24 intéressés un programme d’approfondissement intensif de l’ eutonie est mis sur pieds en 1984. Deux ans plus tard, 9 d’entre eux insisteront à recevoir une ‘ vraie’ formation’ en eutonie. Celle-ci, orientée sur la pédagogie et considérée comme expérimentale, se clôture fin 1989. En avril 1989 l’ asbl « Vlaamse Eutonie School » (Ves) c.a. ‘école d’eutonie flamande, verra le jour afin de permettre la remise des premiers diplômes en janvier 1990, sous l’œil bienveillant de Rosa Spekman et de Jenny Windels comme jury.
Les années suivantes j’aurai l’opportunité de pouvoir suive d’autres formations tant pédagogique que thérapeutique comme la psychogénèse et les Chaînes musculaires ICTGDS* qui me donneront de nouveaux outils pour raffiner et solidifier cette formation en eutonie.
Ainsi, l’école d’eutonie flamande (Ves) assure donc une formation de 4 ans orientée sur la pédagogie de l’eutonie. Celle-ci trouve ses sources dans l’eutonie G.A., dans l’approche de Fr. Hannelore Scharing et dans ce que la Medau-Schule a laissée comme traces dans mon travail. Les chaînes musculaires GDS assurent également la compréhension et la cohérence du travail et renforce la spécificité de l’école. L’école d’eutonie flamande se profile ainsi de façon un peu différente des écoles d’eutonie G.A.
La formation en est actuellement à son 8 cycle et aura permis de former jusqu’à présent près de quatre-vingts eutonistes flamands, Néerlandais et Allemands. (liste disponible sur demande)
D’autres formations successives, dont celle du Dr. Jean Lerminiaux, nous permettent, mon mari et moi, d’ éclairer la fonction tonico-émotionnelle, de soutenir la remise en question continuelle et d’approfondir ce que l’eutonie, à chaque fois, provoque. Des équipes de travail réactualise et consolide les contenus de cette formation pédagogique.
D’ autres sources de réflexions : le travail d’ Annick de Souzenelle avec e.a. « Le symbolisme du corps humain » et les écrits de Bernard Besret : « Du bon usage de la vie » et « à la hauteur des nuages » nous sont précieux.
J’aurai l’occasion de travailler avec une équipe d’ une humanité sportive flamande, qui opte résolument pour un parcours davantage orienté sur la prise de conscience et le bien-être que sur la prestation. Et je suis reconnaissante que les danseurs Patrick Dupont (Contre-danse) et Leïla Da Rocha apprécient l’apport de l’eutonie dans leur recherche.
Actuellement, riche d’une longue expérience dans l’enseignement de l’eutonie aux adultes, il nous faut prévoir et soutenir la relève à la “Vlaamse Eutonie School” dans les années qui viennent.
J’aurai donc eu le bonheur, durant tout mon parcours, de pouvoir travailler avec des personnes motivées et j’en suis particulièrement reconnaissante.
Therese Windels, 20 février 2013